Égalité filles-garçons
et lutte contre les LGBTphobies

La fabrique des garçons. Sanctions et genre au collège

08 / 02 / 2021

Au collège, on considère que les garçons représentent : 

80% des élèves sanctionnés ou punis, tous motifs confondus
83% des élèves sanctionnés pour indiscipline ou insolence
91,7% des élèves sanctionnés pour des actes relevant d’ « atteinte aux biens et aux personnes »
Mais ce n’est pas tout : l’échec scolaire est également un phénomène massivement masculin :

75% des élèves décrocheurs sont des garçons
70% des élèves scolarisés en SEGPA
86% des élèves des dispositifs Relais.
Tous ces garçons transgresseurs ou en échec scolaire ont-ils des problèmes voire des troubles du comportement et/ou de l’apprentissage ? Les travaux de Sylvie Ayral montrent que leurs transgressions ou leurs "difficultés scolaires" apparaissent au contraire le plus souvent, quel que soit leur milieu social d’origine, comme de véritables conduites sexuées, donc sociales.

Très jeunes et particulièrement pendant les années de collège, période où la puberté vient sexuer fortement toutes les relations, les garçons se retrouvent pris entre deux systèmes normatifs. Le premier, véhiculé par l’Ecole, prône les valeurs de calme, de sagesse, de maturité, de travail, d’obéissance, de discrétion, de douceur, vertus traditionnellement associées à la... féminité. Le deuxième système, relayé par la communauté des pairs et la société civile, valorise, lui, la virilité hétéronormative et encourage les garçons à... tout le contraire : enfreindre les règles, se montrer insolents, jouer les « fumistes », monopoliser l’attention, l’espace, faire usage de leur force physique, s’afficher comme sexuellement dominants... Le but est de se démarquer hiérarchiquement et à n’importe quel prix de tout ce qui est assimilé au "féminin" y compris à l’intérieur de la catégorie "garçons"... quitte à instrumentaliser l’orientation, l’appareil disciplinaire, la relation pédagogique (qui, ne l’oublions pas, est une relation sexuée) ou les disciplines elles-mêmes.

Se faire punir, pour les garçons relève donc avant tout d’un rite de passage qui marque symboliquement l’affirmation de la conformité aux normes de la virilité. Le problème est que, par effet de réflexivité institutionnelle, la sanction a un effet pervers. Elle consacre ce qu’elle prétend combattre : une identité masculine caricaturale qui s’exprime par le défi, la transgression, les conduites sexistes, homophobes et violentes.

Combien de conventions pour l’égalité entre les filles et les garçons ces dernières années ? Combien de chartes ? Pour quels résultats ? Si notre système d’éducation met, depuis presque 30 ans et avec plus ou moins de réussite, l’accent sur l’émancipation des filles, en les encourageant à investir les domaines techniques, scientifiques ou sportifs traditionnellement sexués "masculins", il semble avoir bien du mal à penser, non pas en réplique mais en complémentarité, l’évolution des garçons, ces hommes en devenir...

A partir de l’exemple de l’appareil punitif, l’ouvrage de Sylvie Ayral invite à identifier et enrayer les mécanismes scolaires qui construisent les différences et la hiérarchisation entre le féminin et le masculin, qui encouragent les garçons à être dominants en réprimant peu à peu leurs goûts personnels, leurs émotions, leurs affects, leur relation à eux-mêmes et à autrui et qui peuvent en conduire certains, lorsqu’ils deviennent adultes, à la violence conjugale, à la criminalité routière, au suicide, etc.

Sylvie AYRAL

 

Sylvie Ayral est professeure agrégée et docteure en Sciences de l’éducation. Elle enseigne dans un lycée en réseau réussite scolaire (RRS) de la communauté urbaine de Bordeaux.

 

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